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9 août 2014

L'automobiliste condamné après sa collision avec un cycliste en course

                                                Justice


Obligation de moyens



Par
Jean-Emmanuel Nicolau-Bergeret

L'accident est la hantise de tout organisateur de compétition sportive, d'autant lorsqu'elle se déroule sur la voie publique. En effet, qu'il s'agisse tant des règlements de la Fédération française de cyclisme que de la Fédération française d'athlétisme, pour n'évoquer que les fédérations les plus concernées par notre activité de signaleur à l'Ofrass, ces règlements rappellent que l'organisateur est seul responsable de sa manifestation. Ce faisant, les associations de signaleurs peuvent voir leur responsabilité engagée de façon concomitante.

En effet, les organisateurs délèguent souvent, auxdites associations, la tâche d'évaluer et mettre en oeuvre les dispositions humaines et matérielles nécessaires à la protection de leur évènement. De la même façon qu'il délègue l'organisation de la couverture sanitaire à des associations de secourisme agréée. Il y a donc bien lieu de différentier les signaleurs individuels directement sollicités par l'organisateur, de ceux dépendant d'une association spécialisée comme l'Ofrass. D'autant plus que lesdites associations spécialisées ont en charge, généralement et en toute logique, la couverture des points les plus à risques et donc accidentogènes. 

Les conducteurs irracibles qui méprisent les compétiteurs en ne respectant pas les consignes des signaleurs, au risque de les percuter et les blesser gravement, auront aussi intérêt à lire cet attendu. Pour le moins, il les incitera à moins d'impatience et plus de modérations face à ces évènements sommes toutes très temporaires.

Pour autant, la décision de la Cour d'appel de Nîmes, 1ère Chambre A, dans son Arrêt du 10 janvier 2012, mérite que l'on s'y attarde.

Les Faits : Le conducteur condamné en première instance

Le 4 octobre 2008, Monsieur Stéphane R. participe à une compétition cycliste sur route ouverte nommé « Grand prix de Gordes », organisée par l'Étoile Sportive Cavaillonnaise. Lors de l'épreuve, Stéphane R. emprunte la partie gauche de la chaussée pour tenter une échappée et percute de plein fouet un véhicule arrivant en sens inverse, véhicule conduit par Monsieur Stéphane G.

Accident grave. La victime, gravement blessée est héliportée au CHU de Marseille. A première vue, l'affaire semble claire : Le cycliste circule sur la partie gauche de la chaussé, donc c'est lui le responsable de l'accident. Pour autant, on pourrait toutefois envisager un partage des responsabilités, l'automobiliste n'ayant pas été maître de son véhicule. 

Mais surtout, une part de responsabilité de l'organisateur pourrait-elle être recherchée ?

Illustration. Tribunal de Grande Instance d'Avignon © Source Midilibre.fr

En janvier 2009, la victime assigne en réparation l'organisateur, son assureur et la CPAM du Vaucluse devant le tribunal de Grande Instance (TGI) d'Avignon (Photo d'illustration 1 ci-dessus). Une expertise médicale de la victime est ordonnée en janvier 2010.

En première instance, par jugement du 13 juillet 2010, le TGI d'Avignon condamne in solidium Monsieur G. (conducteur) et son assureur Groupama Sud à réparer l'intégralité de tous les chefs de préjudice de la victime (le cycliste) et ordonne l’exécution provisoire du jugement.

La responsabilité de l'organisateur n'est pas retenue.

L'appel

Monsieur G. et Groupama Sud interjettent appel. Les appelants demandent à la cour d'infirmer le jugement et de déclarer que la victime a commis une faute inexcusable qui le prive du droit à indemnisation. Ils entendent par ailleurs à ce que soit déclarée irrecevable la demande de provision.

De son coté, la victime, représentée en cela par son tuteur, demande réformation du jugement au motif qu'il a rejeté la responsabilité de l'organisateur et de son assureur, et entendent voir celles-ci déclarées responsables du préjudice subi par la victime et dire qu'elles seront tenues de réparer intégralement  ses préjudices corporel, matériel économique et moral. Ils sollicitent donc la condamnation de l'organisateur.

De son coté, l'organisateur et son assureur demandent à la cour de constater qu'elle n'a pas failli dans ses obligations et n'a commis aucune faute dans l'organisation de la compétition, ni dans sa surveillance, de nature à constituer une violation de son obligation de sécurité, obligation de moyens et donc de débouter les appelants de leurs demandes contre elles. Elles concluent à la confirmation de la première instance. 

Image d'illustration : Une course cycliste © Jean-Emmanuel Nicolau-Bergeret / OFRASS

Motifs

L'organisateur et son assureur invoquent l'application au litige de la loi du 5 juillet 1985 qui stipule que l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondé que sur les dispositions de la loi pré-citée. De facto, il est établi et non contesté que le véhicule de Monsieur Stéphane G. est impliqué dans ce sinistre. Ce dernier est donc tenu à réparer le préjudice sans que puisse être opposé sa propre faute à l'exception de sa faute inexcusable au sens de l'article 3 de ladite loi. Il y a donc lieu d'examiner l’indemnisation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 et, le cas échéant, d'envisager une action récursoire contre l'organisateur.

Implication du véhicule

L'implication du véhicule de Monsieur Stéphane G. est incontestable, même si la conduite est exempte d'anormalité de sa part, le véhicule circulant sur sa voie normale de circulation et s'étant retrouvé face à une chaussée occupée par des cyclistes.

Au sens de l'article 3 de la loi sus-mentionnée,  est inexcusable la faute de la victime, volontaire, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait du avoir conscience.

Pour autant, la cour considère que « Ne constitue pas une telle faute le fait pour un cycliste participant à une compétition sur route ouverte, encadrée par une voiture ouvreuse et des signaleurs, de rouler sur la partie gauche de la chaussée en montée pour "s'échapper" et ce, même si en début de course l'obligation de respecter le Code de la route lui a été rappelée. Le cycliste ne peut donc se voir opposer sa propre faute ». L'automobiliste et son assureur sont donc tenus d'indemniser la victime.

Responsabilité de l'organisateur

L'automobiliste et son assureur engagent une action récursoire contre l'organisateur fondée sur le non respect de l'obligation de prévoir des déviations imposée par l'Arrêté préfectoral et l'absence de mesures de sécurité.

L'organisateur est tenu à une obligation de sécurité qui s'analyse sur une obligation de moyens comme à bon droit retenu par le tribunal.

Les témoignages versés aux débats tant par le conducteur que par le cycliste ne sont pas retenus au motif qu'aucun des témoins n'a vu l'accident ni ne roulait à proximité des coureurs.

La course se déroulant sur un circuit ouvert à la circulation publique a été autorisée par arrêté préfectoral.

Or l'obligation de mise en place de déviation n'est prévue par l'Arrêté préfectoral  qu' « afin de ne pas interrompre totalement la circulation sur les voies concernées ». Or c'est précisément  parce que la circulation n'est pas totalement interrompue que le même Arrêté rappelle l'organisateur à ses obligations à prendre toutes ses dispositions pour « assurer le sécurité des usagers de la route sur l'ensemble de l'itinéraire ».

De l'enquête de gendarmerie, il ressort :
- Qu'un véhicule ouvreur, muni d'une rampe orange en action et d'un panneau visible « Attention course cycliste » précédait la course ;
- Que les compétiteurs étaient suivis de plusieurs véhicules d’assistance ;
- Que des panneaux de signalisations ont été implantés aux carrefours importants et des signaleurs présents sur tous les points stratégiques ;
- Que des annonces au micro ont rappelé les cyclistes à leur obligation de respecter le Code de la Route ;
- Que le conducteur du véhicule ouvreur a fait des appels de phare et des gestes manuels pour alerter l'automobiliste qui ne conteste pas ses signaux ;
- Qu'un signaleur était présent sur le point par lequel l'automobiliste a accédé au parcours.

Ainsi, le Cour considère que l'association a satisfait à ses obligations de sécurité de moyens imposées par l'Arrêté préfectoral et déboute le plaignant dans son action récursoire.

Les appelants sont ainsi déboutés en appel.

Image d'illustration : Une course cycliste protégée par un signaleur de l'OFRASS © Jean-Emmanuel Nicolau-Bergeret / OFRASS

Conclusions 

De cette décision, il faut retenir : 

- Que la réparation du préjudice d'une victime d'un accident de la route impliquant un véhicule terrestre à moteur est à charge du conducteur de ce dernier, sur le fondement des articles 1 à 3 de la loi du 5 juillet 1985, sauf à prouver une faute inexcusable de la victime ;

- Que ne constitue pas une faute inexcusable le fait, pour un cycliste en compétition sur route ouverte à la circulation, à rouler sur la partie gauche de la chaussée bien qu'il ne respecte pas en cela les disposition de l'Arrêté préfectoral et du Code de la route ;

- Que l'organisateur ne peut être poursuivi en responsabilité s'il prouve qu'il a satisfait aux prescriptions de l'Arrêté préfectoral autorisant la course et rempli ses obligations de sécurité en faisant constater les moyens mis en oeuvre ;

Pour les associations de signaleurs :

Cette décision doit rappeler l'obligation qui leur est faite à respecter les textes qui régissent leur activité, en particulier :

- Sur un nombre suffisant de signaleurs en fonction des risques liés au parcours, d'autant que l'association de signaleurs n'est pas à l'abri d'une action récursoire de l'organisateur si ce dernier vient à être condamné ; 

- Sur la compétence desdits signaleurs qui doivent être formés, ;

- Sur les obligations administratives liées à leur fonction, et notamment le fait d'être majeurs, titulaires d'un permis de conduire, porteurs d'une tenue haute visibilité et d'inscriptions permettant la compréhension immédiate par un tiers de la présence d'une compétition. 

A ma connaissance, cette décision n'a pas fait l'objet de recours et donc la décision serait définitive.

Si vous aussi vous disposez d'éléments législatifs et/ou jurisprudentiels, n'hésitez pas à nous en faire part au travers de vos commentaires.

Jean-Emmanuel Nicolau-Bergeret
© 9 août 2014 - 
OFRASS

A lire également :

Le terme « Sécurité » doit être banni par les signaleurs

Les 10 règles du bon signaleur


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